La Covid continue de circuler mais dans une moindre mesure. La rentrée sera donc Parisienne pour tous les quatre.
J'ai rendez-vous le lundi 7 septembre avec le chirurgien de reconstruction. On doit faire le point sur l'opération programmée fin septembre : pose d'un expandeur afin de préparer la reconstruction du sein gauche. En un an et demi, la peau s'était complètement tendue et retractée sur la poitrine. Il fallait lui redonner de l'élasticité et de la souplesse. L'intervention chirurgicale a pour but de reconstituer un volume et le contour du sein par la mise en place d'une prothèse "non définitive" (l'expandeur) en dessous du muscle pectoral, afin de protéger la peau du frottement de la prothèse. Au bout de quelques semaines, quand le sein a cicatrisé, l'expandeur est gonflé à l'aide d'injection de sérum physiologique. La première fois qu'il m'a expliqué le principe, je ne pouvais pas m'empêcher de rire en imaginant une pompe à vélo accrochée au bout de mon sein...
On refaisait donc le point sur cette intervention quand il m'annonce tout naturellement qu'il va en profiter pour procéder à la mastectomie du sein droit. C'est alors que je prends pleinement conscience que nous sommes dans deux mondes parallèles. J'ai l'impression d'avoir mon garagiste qui m'annonce qu'il va profiter de la révision pour faire la courroie de distribution... Un geste technique et complètement anodin pour lui. Pour moi, c'est la douche froide. Bien que déterminée à aller au bout de la démarche, convaincue de la nécessité de le faire pour mettre toutes les chances de mon côté, je reste interdite. Je ne suis manifestement par prête psychologiquement à faire le deuil de ce deuxième sein. Pas là, tout suite. Et pourtant ? Pourquoi attendre ? La réflexion est lancée. Plus précipitamment que prévu mais au fond, je savais qu'il faudrait à un moment donné m'y confronter sérieusement. Et bizarrement je ne m'y oppose pas. J'acquiesce, je valide la date opératoire. Comme si cette évidence s'était inscrite au plus profond de moi. Seul mon esprit éveillé tentait de lutter. Le cœur et la raison en plein combat intérieur.
Le 18 septembre, escapade avec Julie à L'Ostalas un écolodge dans le Tarn & Garonne. Le domaine est tenu par des amis de Bernard qui nous a chaudement recommandé l'adresse. Un lieu qui invite à la reconnexion en prenant soin de son corps, de son esprit et de son alimentation. Exactement le genre d'endroit qu'il me faut pour me ressourcer avant l'opération.
J'intègre le service le 29 septembre, l'opération est programmée le 30 à l'hôpital Henri Mondor. Comme avant toute opération, je suis irritable et désagréable. Retour de l'anesthésie, des perfusions, des drains. Je ne suis pas craintive de la douleur. Je suis plutôt résistante de ce côté-là. En revanche, j'ai toujours une trouille bleue de l'anesthésie. Perdre le contrôle. Imaginer mon corps ouvert et inconscient. Des images qui me glacent le sang.
Ce jour-là Bernard et Vincent m'accompagnent. Je n'avais pas anticipé les nouvelles directives liées à la COVID: visites interdites. Ils devront me laisser au bout du couloir et je passerai l'après-midi seule dans ma chambre. Pincement au cœur.
L'opération s'est bien passée. Hormis le réveil. J'ai émergé en vomissant en salle de réveil. Une sensation hyper désagréable, mêlée à des douleurs dans la poitrine. Les nausées resteront plusieurs jours, le temps d'éliminer les produits d'anesthésies et la morphine. Le chirurgien m'expliquera que pour poser les expandeurs, il a dû décoller le muscle pectoral pour les placer en dessous. Une opération donc beaucoup plus douloureuse que la première mastectomie que j'avais déjà subie.
Au bout de quelques jours néanmoins, la zone opérée n'est plus douloureuse. Je suis finalement assez mobile mais je dois attendre de pouvoir retirer les drains pour quitter l'hôpital.
Les journées sont longues, surtout sans visite. Je trouve ça assez déprimant que l'aspect humain soit autant relégué au second plan. Rien de plus important que d'être bien entouré pour bien guérir.
Avec la période de crise sanitaire que nous traversons, le personnel hospitalier est à bout de force. On leur prive encore de ressources en interdisant toute visite. Là où les proches apportent du soin, du réconfort, de la mobilité, elles doivent maintenant faire face à toutes les demandes des patients.
Par respect et solidarité, j'ai toujours mis un point d'honneur à ne pas sonner pour demander une attention "non vitale". Je patientais à chaque tour de ronde pour demander des petits services du quotidien. L'attente pouvait parfois durer longtemps. Le service était plein, et le personnel si peu nombreux !