Les préparatifs de déménagement battent leur plein, on se prépare doucement à tourner une page importante.
Cet appartement, on n'y a mis un peu d'huile de coude et beaucoup de cœur. On y a traversé des épreuves incroyables, il a été notre refuge dans ces périodes de hautes turbulences.
« Jamais on n'habitera une rue qui s’appelle la rue Poulet ». On est en 2018, Charlotte a maintenant quelques mois et on a besoin de pousser les murs de notre petit appartement de la rue Léon. Je refuse catégoriquement de visiter cette adresse pourtant voisine de la nôtre.
Le quartier de Château Rouge, on le connait bien. On l’a découvert en 2011, peu de temps après notre arrivée à Paris, juste avant la naissance de Tymeo. Populaire, coloré c’est un quartier lumineux ! Les magasins de wax et de tissage africain se succèdent et laissent place également à des épiceries exotiques. Le grenier de Paris, c’est ici. Le marché c’est tous les jours de l’année du matin ou soir. Les commerçants, on les connaît tous. Ils ont vu nos enfants grandir. C’est un des derniers quartiers de Paris où les gens font un brin de causette le matin, où les voisins connaissent votre prénom et qu’on ne craint pas de traverser à des heures tardives. Pourtant c’est un quartier qui a eu longtemps mauvaise réputation. Les petits marchands à la sauvette persistent, les contrefaçons circulent...Le commerce est au cœur du quartier.
Alors quand il a fallu déménager et bien on n’a pas réussi à s’en éloigner. J’ai fini par daigner visiter le 34 de la
rue Poulet, le nombre de m2 m’a convaincue. Un peu dans « son jus » nous a dit l’agent immobilier peu vendeur. L’appartement était inhabité depuis deux ans mais beaucoup de choses étaient restées intactes. Pour dire vrai, peu de choses avaient dû bouger depuis les 30 dernières années. On a retrouvé des trésors des années 70 : objets vintages et vaisselle désuète mais toujours de haute qualité. La grand-mère aimait les belles choses ! Mais la mode de la tapisserie et de la moquette étant passée, on a mis du cœur à l’ouvrage pour donner un grand coup de neuf. On a fait ressortir les magnifiques parquets enfouis sous la colle de la moquette ; on a poncé, astiqué, ciré et peint...
Et puis peu à peu, la cuisine est devenue une petite chambre pour Charlotte. On s’est attaqué au mur de la buanderie à la scie sabre pour installer une nouvelle cuisine. On a repeint. Encore. On pourrait même penser qu’on aime ça !!
C’est ainsi qu’on a trimballé nos cartons d’une rue à une autre, on n’a même pas pris la peine de démonter les penderies, on les a fait rouler sur les trottoirs encombrés. Un soir, une femme nous a lancé « il y a bien qu’ici qu’on voit une chose pareille ». Et très vite, on a trouvé des bras courageux pour nous aider. Car c’est ça aussi Château Rouge : un esprit collectif et solidaire.
Aujourd’hui, c’est l’appel de la nature qui nous pousse à aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs. On passe d’un extrême à un autre, passant du brouhaha Parisien à l’apaisement du chant des oiseaux au milieu des champs.
On a refait nos cartons, mais en mieux cette fois. On a invité tous les copains qu’on s’était fait dans le quartier. On a bu toute la nuit à l’amitié et on a quand même réussi à charger le camion.
Finalement on ne s'est pas résignés à le quittez. On l'a mis en location courte durée être sûrs de revenir plonger dans des bains urbains de temps à autre.