L'automne est une période toujours particulièrement chargée en émotions contradictoires : naissances, décès, débuts de maladies, fin de traitement, contrôles... Le moral oscille entre tristesse et réjouissance, stress et soulagement, laissant finalement place à un sac de nœud au cerveau et au ventre.
C'est dans cet état que je me rends le 24 octobre à un nouveau rendez-vous avec la Professeur à la Pitié.
Je viens de passer haut la main les derniers examens : écho pelvienne et analyse de sang. J'ai toujours un marque ACE un peu élevé mais ça semble maintenant assez récurrent.
L'examen clinique se passe bien. L'ovariectomie est de nouveau abordée. Je suis toujours en réflexion. Décidément, elle doit se dire que je réfléchis lentement.
Je sors du rendez-vous, ça y est j'ai officiellement passé la barre des 3 ans de rémissions ! Il y a de quoi être soulagée, on va pouvoir fêter la bonne nouvelle...
Le soir même, je rejoins Vincent pour aller voir Salomé à l'Opéra Bastille. Je quitte le bureau en fin de journée et je m'engouffre rapidement dans la ligne 6. Dans le métro, je commence à être prise d'une barre en haut de l'abdomen. Ma respiration devient difficile, ma tête se met à tourner.
J'envoie un message à Vincent, j'ai l'impression que je vais m'évanouir. Je résiste jusqu'à la station Charles de Gaulle-Etoile où je dois faire le changement pour la ligne 1. Je ne veux pas m'évanouir dans le métro, je cherche la force de sortir de la station pour prendre l'air. En sortant de la rame, un homme m'aide mais il est trop tard, je m'effondre sur le quai.
Quelques instants plus tard, je reprends connaissance. La douleur est encore plus forte. Panique autour de moi. Les gens me mettent tout d'abord les jambes en l'air, la douleur s'intensifie encore. Changement de tactique, une pompier volontaire me met en PLS côté gauche. Les contractions continuent, je perds de nouveau connaissance quelques secondes. Quand je reviens à moi, elle tente de me mettre sur le côté droit. Ce n'est toujours pas mieux. Entre temps j'ai réussi à demander à un homme d'appeler Vincent. Finalement c'est une femme, Camille, qui fera le lien avec lui. Je ne sais pas trop comment tout ça s'est enchaîné mais quelques minutes plus tard, je suis prise en charge par les pompiers. Ils me remontent dans leur camion où ils commencent à prendre quelques informations : contextes, antécédents, constantes. Je réclame sans cesse Vincent. J'ai peur de partir à l'hôpital sans lui. J'ai peur de ce qui m'arrive tout simplement. La panique ne fait qu'amplifier mon état. Les crampes continuent. A chaque fois qu'elles s'estompent, j'ai l'impression que je vais de nouveau perdre connaissance. Vincent arrive enfin à me rejoindre. Ils m'emmènent à Bichat. Il négocie tant qu'il peut pour qu'on me transporte à la Pitié mais les pompiers refusent formellement. Ce n'est pas leur secteur, ils suivent les instructions.
En chemin, la panique continue. Les pires scénarios défilent dans ma tête. Je m'imagine atteinte de métastases au foie ou à la vésicule, d'où un taux d'ACE élevé. Je crains d'être de nouveau internée à l'hôpital, qui plus est dans un hôpital qui a si mauvaise réputation. Je crains les batteries d'examens, les mauvaises nouvelles. Tout va très vite dans ma tête. Les pompiers essayent de me rassurer : "il ne peut rien vous arriver, vous êtes entre de bonnes mains". Des paroles contre-productives. Je sais par expérience qu'ils ne peuvent rien faire, que ce n'est pas eux qui pourront me sortir de là. Pas dans cette situation. Ils sont aussi impuissants que moi. Je le sais et j'ai perdu toute confiance. La contraction suivante est de nouveau trop forte pour être tolérée. Je reperds connaissances quelques secondes. Quand je reviens à moi, je sers la main de Vincent plus fort que jamais. Je me raccroche à lui comme on se raccroche à la vie.
Arrivée à l'hôpital les spasmes commencent à s'espacer. Je continue d'avoir froid et de me sentir fébrile mais je reprends peu à peu mes esprits.
Je suis rapidement reçue par une infirmière puis mise dans un box. Le début d'une longue attente avant de voir un médecin. Je suis allongée, je me repose. Soucieuse, je ne comprends pas ce qu'il vient de se passer. Les douleurs ont maintenant complètement disparu. Je suis fatiguée, j'accuse maintenant le contre coup.
L'heure tourne, je crains de rater le dernier train. L'appartement parisien est loué ce soir. On n'a pas de solution de repli simple. Heureusement les enfants sont en vacances au Gault avec Anita. Je n'ai pas envie d'appeler des copains pour dormir, je veux rentrer chez moi, retrouver ma maison, mon lit, me blottir contre Vincent. Retrouver un environnement de confiance. Au bout de quelques heures, je préviens le service que je m'en vais. L'interne, prenant note de mon départ, réalise avec qui j'ai eu rendez-vous plus tôt dans l'après-midi à la Pitié Salpetrière. Un nom qui résonne très probablement car elle me demande de patienter quelques minutes. Un médecin arrive. Il conclut finalement à une gastrite, probablement liée au stress compte tenu du contexte.
Diagnostic corroboré quelques jours plus tard par mon médecin traitant.
Les semaines passent et cet épisode semble être isolé. Je n'ai pas eu d'autres symptômes depuis ; plutôt rassurant. J'ai envie de me tourner vers Nelly, l'hypnose devrait m'aider à ne pas réitérer.