Le 7 décembre, j'ai rendez-vous avec la Professeur à la Pitié pour faire le point sur ces derniers bilans et réaliser un examen clinique. Compte tenu des dernières imageries, je suis plutôt sereine à l'approche de ce rendez-vous.
Côté prise de sang, le taux d'ACE est de nouveau un peu élevé, comme en juin dernier, mais il semble assez fluctuant d'une analyse à l'autre.
Il n'est toutefois pas suffisamment haut pour être révélateur d'une anomalie avérée et surtout la variation entre les derniers contrôles n'est pas probante.
Etrangement, elle me demande pourquoi avoir fait ce contrôle. Je sens alors une légère pointe de contrariété. Cette analyse n'aurait pas dû être prescrite dans le cadre d'une surveillance de cancer de sein, il s'agit plutôt d'un marqueur de cancer colorectal. Et surtout ça allait maintenant nécessiter un nouveau contrôle.
En quoi suis-je moi, patiente, responsable de cette situation ? Le patient n'a pas à pâtir des divergences de l'équipe médical, et surtout une fois encore, il n'en a pas les ressources. Je me suis poliment défendue de ne pas être l'initiatrice des ordonnances qui m'étaient prescrites...il ne fallait pas tout confondre. Et surtout au vue des résultats, n'y avait-il pas finalement un sens à le surveiller ?
Puis on enchaîna sur le programme des opérations de reconstruction. Elle se montra très réticente, estimant qu'il était trop tôt.
Là aussi, je restais pantoise.
On m'avait toujours parlé d'une reconstruction à entamer un an après la fin des traitements. J'avais parlé de ce programme au radiothérapeute et à l'oncologue au cours des derniers contrôles trimestriels. Personne n'avait émis de contre-indication jusqu'à aujourd'hui. Il me semblait être en ligne avec l'ensemble du personnel médical qui me suivait.
Pourquoi cette remise en question maintenant ? Comment en arrive-t-on à une telle discordance d'avis au sein d'une même équipe médicale ? Et surtout comment, en tant que patiente, je me retrouvais au milieu de leurs problèmes de communication interne ? Je trouvais profondément injuste et déstabilisant d'en faire les frais.
Et à la fois, si elle avait raison ? Elle ne manquait pas d'arguments bien fondés : difficulté de gérer une reconstruction avec une potentielle récidive, rappel douloureux des risques liés à la gravité ma typologie de cancer...
Je suis sortie du rendez-vous le moral dans les chaussettes : aucunement rassurée par ce taux d'ACE fluctuant, doutant de mes choix de reconstructions, plongée dans l'angoisse d'une potentielle récidive face à un cancer très agressif...
Ses paroles ont eu d'autant plus d'impact que j'ai une véritable admiration pour elle. Son charisme et sa confiance me fascine, elle m'a toujours aidée à puiser la force d'affronter tout ça. Mon enfant intérieur était touché, je devenais une sorte de mauvaise élève du cancer qui ne suivait pas correctement les consignes. Surtout j'avais l'impression maintenant de me mettre en danger.
Et pourtant, comment reculer ? Le protocole était déjà bien avancé : j'avais des expendeurs dans chaque sein, la date opératoire était calée. J'essayais de me recentrer : avant cet échange, je me sentais prête. Il fallait rester là-dessus.
Ce n'était pas la première fois que je sortais ébranlée d'un rendez-vous médical. Je crois que bien souvent j'y mets trop d'attentes. J'ai tellement envie d'être rassurée. Qu'on me dise que tout va bien se passer.
Au fond de moi je sais que c'est impossible. Le corps médical ne peut pas se risquer à faire des annonces hasardeuses. L'oncologie est domaine qui n'offre que peu de certitudes et il faut arriver à avancer avec. Avec le recul, je sais qu'elle n'avait pas d'autre position possible à avoir, mais sur le coup, j'avais du mal à encaisser.
Ce deuxième confinement aura été beaucoup moins restrictif (et respecté) que le premier. En réalité, hormis les déplacements longues distances, les activités en plein air et le shopping dans des commerces "non essentiels", nous menions une vie à peu près normale. Nous étions de retour au "100% télétravail" mais sans les enfants à la maison. A compter du 28 novembre et jusqu'au 15 décembre, les règles se sont progressivement assouplies. Nous n'étions pas pressés de rentrer, les enfants s'étaient bien intégrés. On restera donc jusqu'aux vacances scolaires.
La rentrée était prévue à Paris. Je devais me faire opérer le 6 janvier, il était temps de rentrer.
La saturation des hôpitaux due à la pandémie a néanmoins contraint le service à décaler l'opération de quelques semaines. La nouvelle date était calée au 27 janvier. Un petit répit qui m'allait bien à la fois en termes d'organisation et de préparation mentale. La date approchant, l'angoisse montait progressivement.
Le volume des seins avaient été jugé satisfaisant par le chirurgien qui avait quand même profité de ce léger décalage pour rajouter quelques centilitres dans chaque expendeur. J'étais donc prête pour la suite.
Les marqueurs d'ACE étaient toujours à la limite mais pas contradictoire avec l'intervention. La professeur demanda un contrôle à trois mois, sous réserve que l'opération ne soit pas inflammatoire, au risque de modifier l'interprétation des résultats.